La généralisation du cloud en entreprise a entraîné des dérapages financiers. L’approche FinOps vise à reprendre la main en surveillant les dépenses engagées et en optimisant les coûts.
Faut-il monter ou non dans le nuage ? En 2021, la question ne se pose plus. En quête d’agilité et d’innovation, les entreprises se sont largement emparées des technologies cloud levant un à un les freins organisationnels ou sécuritaires. La crise de la Covid-19 n’a fait que renforcer leur intérêt pour les solutions cloud, seul moyen de maintenir l’activité, de généraliser le télétravail et de gagner en résilience.
Né il y a quinze ans avec la création d’Amazon Web Services, le cloud n’en est toutefois qu’à sa phase d’adolescence. Un adolescent turbulent qui nécessite parfois d’être recadré. La généralisation du cloud dans tous les départements de l’entreprise a entraîné des excès. Les directions métiers multiplient le recours à des solutions en mode SaaS sous le radar de la DSI, engendrant de la redondance et du shadow IT. La DSI n’est pas exempte de toute reproche quand ses équipes oublient de décommissionner des machines virtuelles à l’issue d’un projet.
Enfin, les providers cloud brouillent les pistes en affichant une grille tarifaire volontairement complexe pour éviter toute comparaison. Ce manque de transparence entraîne des coûts cachés comme ceux liés au transfert des données d’un service de sauvegarde ou d’archivage. Du coup, la promesse initiale de la réduction de coûts incarnés par le système d’abonnement et le paiement à l’usage s’envole une fois la facture arrivée.
Monitorer et optimiser les coûts du cloud
C’est là qu’intervient l’approche FinOps qui vise à monitorer et optimiser les coûts du cloud. Mot-valise associant les termes finance et opérations, le FinOps n’a pas pour objectif de brider l’innovation mais de trouver un juste équilibre entre les dépenses allouées au cloud et les performances attendues.
Dans le sillage des méthodes agiles ou de DevOps, il s’agit de casser les silos. Approche transverse, le FinOps implique une collaboration étroite entre les contrôleurs de gestion de la DAF, qui planifient les dépenses et supervisent les coûts, les équipes IT et les décideurs métiers qui connaissent la valeur des services cloud mis en œuvre.
Le FinOps repose sur un référentiel de bonnes pratiques open source porté par FinOps World. Comprenant trois niveaux de maturité, ce référentiel aborde tous les aspects du cloud, de l’approche technique (build, run) à la stratégie en passant par la gouvernance et le volet humain avec la mutualisation des experts.
FinOps World prévoit notamment la création d’un centre d’excellence cloud (CoE) pour insuffler la culture FinOps au sein des parties prenantes et définir des objectifs d’optimisation des coûts. Ce centre sera dirigé par un lead FinOps, secondé notamment par un lead architecte, un lead DevOps et un lead R&D.
Le pilotage financier du cloud passe par le suivi d’indicateurs clés de performance (KPIs) mesurant les progrès accomplis. Si l’un des objectifs premiers du FinOps est, bien sûr, de réaliser des économies, il s’agit avant tout de gagner en efficience en utilisant les ressources cloud les plus adaptées aux attentes des utilisateurs et au meilleur prix. En cela, le FinOps s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue.
A un prix anormalement élevé, il s’agit de trouver des réponses collectives comme débrancher les applications obsolètes, souscrire aux instances réservées, recourir à une infrastructure cloud uniquement lors de pics d’activité ou bien supprimer automatiquement les données archivées une fois passé le délai légal de rétention. La facturation de services à l’heure, voire à la seconde, autorise cette flexibilité. Une stratégie FinOps rentre ainsi résonance avec une stratégie de numérique responsable et de réduction de l’empreinte carbone de l’IT.
Du « lift and shift » au « rebuild »
L’approche FinOps permet aussi de guider une entreprise sur la meilleure façon de migrer son SI existant dans le cloud. Entre la technique du « lift and shift » qui consiste à basculer des applications ou des bases de données en l’état, sans les modifier, au « rebuild » qui vise à redévelopper une application pour la désigner spécifiquement pour le cloud en passant par le « replatform » qui introduit une mise à jour des environnements avant migration, le champ des possibles en termes d’architecture est large et n’entraîne pas les mêmes coûts.
Bien sûr comme tout référentiel de bonnes pratiques, le FinOps a besoin d’être outillé pour créer des tableaux de bord de suivi de la consommation des ressources et de remontée des anomalies. Les hyperscalers américains se sont rapidement positionnés sur le créneau pour proposer des solutions de Cloud Cost Management.
A lui, seul Amazon Web Services fournit quatre outils de pilotage financier avec AWS Cost Explorer (reporting), AWS Trusted Advisor (meilleures pratique), AWS Compute Optimizer (recommandations techniques) et AWS Budgets (alertes en cas de dépassement budgétaire).
Avec Azure Cost Management et Facturation, Microsoft Azure propose un outil de surveillance des dépenses cloud. Azure Advisor se définit, lui, comme un moteur de recommandation personnalisé des meilleures pratiques cloud. Baptisé tout simplement Gestion des coûts, l’outil de Google Cloud vise, lui aussi, à monitorer, contrôler et optimiser les coûts.
Les solutions des hyperscalers ont toutefois pour inconvénient de se restreindre, sauf exception, à leur écosystème cloud. A côté, il existe des outils génériques de Cloud Cost Management portés par des éditeurs indépendants comme Apptio, CloudChekr, Flexera, Turbonomic et VMware, tous distingués dans le dernier quadrant magique de Gartner.